Bien que les entreprises européennes doivent faire le reporting de leurs émissions du scope 3 à partir de cette année, le CAC-40 a toujours une approche bien trop aléatoire.
CAC-40: reporting du Scope 3 encore trop peu homogène
En septembre dernier, seule la moitié des entreprises de l’indice boursier Dax-40 de référence en Allemagne avaient signalé plus de 4 des 16 catégories d’émissions indirectes de gaz à effet de serre, et 5 d’entre elles n’avaient pas du tout fait de rapport à ce sujet. Le Dax-40 considéré comme l’indicateur de l’état de l’économie allemande, soit de la plus grande économie du continent européen, il est juste de se demander si la France au deuxième rang, fait mieux en matière de reporting du Scope 3
Un rapport de décembre du fournisseur de notation Scope Group, a suggéré que ce n’était pas vraiment le cas. Le groupe a examiné la performance des sociétés de l’indice boursier français de référence CAC-40, composé de 40 des sociétés cotées les plus importantes du pays.
“La première conclusion est que le reporting sur le climat des entreprises est loin d’être uniforme et standardisée, même sous l’impulsion réglementaire de l’Union européenne”, selon Bernhard Bartels, directeur général du groupe d’analyse ESG chez Scope Group et auteur principal du rapport.
Il mentionne le Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) qui entrera en vigueur en Europe plus tard cette année et la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSDR) l’année prochaine. Dans cette perspective, les entreprises devront déclarer les émissions du Scope 3 dans leurs portefeuilles. Il est peu probable que les régulateurs imposent des sanctions pour le moment, mais à court terme, cela pourrait entraver la capacité de lever des capitaux ou rendre les entreprises moins attrayantes pour les investisseurs. La CSDR exige des entreprises qu’elles publient des informations détaillées sur les questions de développement durable.
Pour le Ministre européen de l’industrie et du commerce, Jozef Skela “les nouvelles règles exigeront que les entreprises deviennent plus conscientes et responsables de leur impact sur la société et les guideront vers une économie qui profite aux personnes et à l’environnement” a-t-il déclaré lors de l’adoption de la réglementation fin novembre. Les données sur l’empreinte environnementale et sociétale seront publiquement accessibles à toute personne intéressée par cette empreinte.
CAC-40: reporting du Scope 3 encore trop peu homogène
Résultats de l’analyse
Scope Group a regroupé les entreprises du CAC-40 en cinq groupes selon leur niveau de divulgation.
Le premier groupe rapporte la divulgation en détail ainsi que les émissions pertinentes pour le secteur. On retrouve les groupes comme Saint-Gobain, Legrand Group, Michelin, Sanofi ; Schneider Electric et L’Oréal.
La plus grande entreprise de cosmétiques au monde est un leader mondial en matière de divulgation. À la fin de l’année dernière, elle a été gratifiée pour la septième année consécutive par le CDP d’une note AAA pour ses réalisations environnementales en faveur de la lutte contre le changement climatique, la protection des forêts et de l’eau.
Sûre de sa stratégie climat, le groupe L’Oréal avait d’ailleurs annoncé en Mars dernier, le lancement de sa première émission obligataire pour un montant nominal total de 3 milliards d’euros, dont le coupon final de la tranche de maturité de 4 ans et 3 mois est lié à l’atteinte par le groupe de trois objectifs de performance en matière de développement durable:
- Tous les sites exploités par L’Oréal devront être neutres en carbone (scopes 1 et 2) d’ici au 31 décembre 2025,
- Les émissions de Gaz à Effet de Serre (scopes 1, 2 et 3) sur un périmètre allant de la production au point de vente devront être réduites de 14% par produit vendu d’ici à 2025 par rapport à l’année de référence 2021,
- 50 % des emballages plastiques du Groupe seront d’origine recyclée ou biosourcée d’ici à 2025.
Les entreprises du deuxième groupe identifiées par Scope Group fournissent des détails limités sur les émissions mais une bonne couverture de celles qui sont pertinentes pour leur industrie. Les entreprises comprennent les groupes Vinci, Airbus Group, Orange, Carrefour et Thales.
Thales, par exemple, s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040 pour ses émissions opérationnelles, mais seulement pour ses émissions liées aux déplacements professionnels ; or, rappelons-le, le Scope 3 inclue également la comptabilisation des émissions liées aux fournisseurs de l’entreprise, aux transports des clients, à la supply chain, au recyclage et à la fin de vie des produits de l’entreprise…
Le troisième groupe d’entreprises liées aux services offre une divulgation détaillée de certaines émissions, mais une couverture limitée des émissions en aval ou de la contribution à l’évitement des émissions dans l’utilisation de leurs produits vendus. Ce segment comprend les sociétés comme Worldline, Publicis Groupe, Vivendi, Capgemini et Eurofins Scientific.
Dans son dernier rapport ESG, Eurofins admet que sa collecte centrale de données sur l’empreinte carbone est encore dans une phase précoce et qu’elle entendait travailler particulièrement sur ses émissions de Scope 3.
Le quatrième groupe des entreprises qui fournissent une couverture limitée des émissions globales, comme STMicroelectronics et EssilorLuxottica, le dernier rapport de développement durable d’EssilorLuxottica montre en effet que l’entreprise suit les émissions de Scope 3 correspondant au transport de ses produits, mais rien d’autre.

CAC-40: reporting du Scope 3 encore trop peu homogène
Quid du 5ème groupe?
Le cinquième groupe est composé des quatre institutions financières du CAC-40 : l’assureur AXA et les banques BNP Paribas, Crédit Agricole et la Société Générale.
Parmi eux, seul le Crédit Agricole rend compte des émissions de Scope 3 de ses investissements. Dans les autres entreprises, les rapports se limitent aux investissements dans les combustibles fossiles et d’autres industries à forte intensité de carbone, indique le rapport.
Début décembre, le Crédit Agricole, classé comme la banque la plus durable au monde, a déclaré qu’en plus des émissions de 5 secteurs industriels (pétrole et gaz, automobile, énergie, immobilier commercial et ciment) elle commencerait à divulguer les objectifs pour le transport maritime, l’aviation, l’acier, l’immobilier résidentiel et l’agriculture à partir de ce année.
Ces dix secteurs, selon la banque, représentent plus des trois quarts des émissions mondiales de GES et environ 60 % de l’exposition de crédit des banques.
“Les objectifs fixés par les entreprises du CAC-40 diffèrent considérablement, ce qui rend difficile la comparaison des objectifs d’une entreprise à l’autre”, explique Tetiana Markiv, analyste associée chez Scope ESG.
Le rapport indique clairement que la responsabilité appartient à la Direction du groupe. Cela nécessite un travail important de la part de la direction pour pousser au reporting sur toutes les catégories du Scope 3 et pas seulement sur les voyages professionnels. En effet, les émissions dans des catégories telles que les déplacements des employés et les voyages d’affaires sont négligeables par rapport aux émissions indirectes provenant des intrants importés ou de l’utilisation de produits vendus. Et tant que cela ne sera pas fait, une véritable comparaison financière entre les entreprises françaises ne sera pas possible.
CAC-40: reporting du Scope 3 encore trop peu homogène
Article: Joana Foglia – Source: Capital Monitor, L’Oréal, Thales