Bien que la taxonomie verte européenne soit encore en phase d’élaboration, les émissions d’obligations vertes ont connu un momentum solide ces dernières années. Le secteur représente un marché liquide et diversifié qui constitue un outil pour les investisseurs dont l’objectif est de concilier impact positif et rendement financier. Un point sur les tendances de ces obligations vertes.
Solutions destinées au changement climatique dans les secteurs comme l’énergie, la construction, le transport, l’eau, la gestion des déchets, l’utilisation des sols ou l’industrie, l’accélération de la feuille de route du Pacte Vert Européen, offre une place de choix aux obligations vertes dans le financement des actifs nécessaires à la transition vers une économie décarbonée.
Lancé en 2007, le marché des obligations vertes représente actuellement environ 700 milliards d’euros d’actifs, avec un record de 258,9 milliards de dollars de nouvelles émissions en 2019 (versus 171.2 milliards de dollars en 2018) selon l’étude de Climate Bond Initiative (CBI).

1802 transactions ont été ainsi opérées sur l’ensemble de l’année 2019, soit près de 13% en plus par rapport à 2018, et 45% d’émetteurs en plus, soit 506 émetteurs en 2019, versus 347 en 2018.
Dans ces émetteurs, on compte 8 nouveaux pays (Barbade, Équateur, Grèce, Kenya, Panama, Russie, Arabie saoudite, Ukraine) avec une émission combinée de 3,1 milliards de dollars portant le nombre total de pays émetteurs d’obligations vertes à 62 (hors supranationales) et à 291 nouveaux émetteurs.
Les principaux émetteurs
Les 291 émetteurs d’obligations vertes (qui n’avaient pas émis avant 2019) représentaient à eux seuls 88 milliards de dollars d’émissions, soit 34% du marché mondial de 2019 et le principal acteur de ces émetteurs a été la Dutch State Treasury Agency, qui a émis la première obligation verte néerlandaise souveraine, certifiée Climate Bonds pour une valeur de 6,7 milliards de dollars destinée à financer les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique des bâtiments, les transports et les infrastructures hydrauliques.
L’autre partie, soit 66% du volume de 2019 correspond à 171 milliards de dollars émis par les 215 émetteurs initiaux (ayant émis avant 2019). Ce volume était uniformément réparti entre les types d’émetteurs : entreprises financières (19%), non financières (18%) entités soutenues par le gouvernement (17%), les titres adossés à des actifs (15%) et les banques de développement (14%). Les émissions souveraines ont contribué à hauteur de 9%, en grande partie du fait que la France a réémise à trois reprises au cours de l’année son OAT verte.
Selon l’Agence France Trésor (AFT), « le montant total des émissions au titre de l’année 2020, après la séance d’adjudication du 2 juillet 2020, s’élève à 6,7 milliards d’euros. L’encours de l’OAT verte s’établit à 27,4 milliards d’euros. »
Les 2 projets de financement de la France sont la SNCF incluant neuf contrats de 4 milliards USD, pour divers projets ferroviaires, y compris la maintenance, la modernisation et l’efficacité énergétique, ainsi que de nouvelles lignes ferroviaires et des extensions de lignes existantes (pour les passagers et le fret).
Et la Société du Grand Paris pour six opérations d’une valeur de 3,6 milliards de dollars, permettant de financer les extensions du rail et du métro autour de Paris, dont 200 km de nouvelles lignes de métro, 68 stations de métro et 7 centres techniques annexes. L’ensemble du projet est financé via des obligations vertes, avec une certification programmatique.
Notons au-delà de nos frontières le projet Noor Energy 1 Dubaï, aux Emirats Arabes Unis, premier accord certifié au Moyen-Orient d’un montant de 2,7 milliards de dollars, qui permettra de développer un projet hybride solaire de 950 MW au sud de Dubaï.
Après la Belgique qui s’est démarquée comme l’émetteur souverain le plus fréquent, avec 2,4 milliards d’euros, c’est à présent l’Allemagne qui a annoncé qu’elle émettrait pour la première fois environ 11 milliards d’euros d’obligations fédérales écologiques d’ici la fin de l’année.
«Les titres d’Etat allemands constituent la référence en matière de taux d’intérêt dans la zone euro. Nous voulons poursuivre dans cette voie et apporter une contribution substantielle dans le nouveau segment de marché écologique »
Olaf Scholz et Svenja Schulze, respectivement ministre des Finances et de l’Environnement – Source AGEFI
La taille des projets
L’augmentation de manière ostensible de la taille moyenne des transactions semble être la tendance du marché des obligations vertes, passant de 108 millions USD en 2018 à 144 millions USD en 2019.
Elles fournissent ainsi plus de liquidité et de profondeur au marché en attirant d’avantage d’investisseurs et en intégrant les obligations vertes dans de larges indices de marché, tout en allouant davantage de fonds aux projets verts à partir d’une seule émission.
La grande majorité d’entre elles ont été émises par des états souverains, des entreprises financières principalement chinoises (qui a levé 34,3 milliards de dollars), des banques de développement nationales et supranationales et de grandes entités soutenues par le gouvernement (en particulier européennes).
Selon, le Emerging Market Green Bond Report, les émissions d’obligations vertes sur les marchés des pays émergents ont permis la mobilisation de 52 milliards de dollars en 2019, un chiffre en hausse de 21 % par rapport à la performance de 2018. En Afrique, l’Afrique du Sud a été le grand pays émetteur d’obligations vertes en 2019 avec la mobilisation de 724,2 millions de dollars, suivi par le Nigeria (106,3 millions de dollars) et le Kenya (41,5 millions de dollars).
Cependant, une base solide de petits émetteurs est également positive, ce qui démontre que le marché est une source de capitaux pour divers profils d’émetteurs, y compris ceux dont les besoins de financement sont moindres; comme c’est souvent le cas, la diversité est un signe de résilience.
Les secteurs d’émission
L’eau, les déchets et l’utilisation des terres connaissent une croissance plus modérée d’émissions vertes que le transport, l’énergie et la construction. Même si les obligations vertes émises pour des solutions dans le secteur de l’eau ne représentent que 18%, la thématique est devenue la quatrième catégorie la plus importante. Les déchets (+ 17%) et l’utilisation des sols (+ 17%) ont poursuivi leur progression régulière ces dernières années mais n’ont pas encore atteint les 10 milliards USD en volume annuel.
L’objectif de développement durable – ODD 14 – dédié aux océans reçoit cependant le moins d’investissement au monde parmi tous les ODD. Le financement des projets marins durables même s’il a fortement augmenté ces dernières années est toujours éclipsé par d’autres types de projets.
Selon la base de données Climate Bonds Green Bond, fin de 2019 on ne comptait que 50 transactions provenant de 32 émetteurs pour financer des projets bleus, la plupart étant liés à l’éolien offshore et / ou également à divers types de projets terrestres.
L’avenir des obligations vertes
L’Europe continue de développer une taxonomie des activités durables qui représente l’un des avancements majeurs les plus significatifs dans le domaine de la finance durable, dont l’objectif est de servir de référence sur le plan international.
La montée progressive d’une gamme d’obligations durables plus large (obligations durables, obligations sociales) et de crédit lié à l’ESG, donne lieu à un débat croissant sur la manière de permettre la transition dans divers secteurs clés. Car, si les obligations vertes ont permis d’attirer des investissements supplémentaires considérables, de nombreuses opportunités de « décarbonation » ne sont pas éligibles à ces green bonds. Ainsi, les « obligation de transition » ou transition bond, sont une nouvelle classe d’actifs destinée aux industries à fortes émissions de gaz à effet de serre (GES).
On parle aussi d’obligations «brunes» – dont l’objectif est d’aider l’émetteur à passer à des activités commerciales plus vertes. Ces obligations diffèrent des obligations vertes sont conçues uniquement pour les « industries vertes», c’est-à-dire les industries déjà en passe de réduire leurs émissions de GES, comme les énergies renouvelables. Les industries brunes en revanche pourront avec les bonnes incitations, prendre des mesures actives pour devenir plus durables demain.
Il faudra cependant plus que de simples couleurs pour encrer solidement ces obligations dans la finance durable. Et pour cela, nous restons dans l’expectative de la publication du texte de taxonomie verte fin 2020, avec une adoption des objectifs prévue fin 2022.
Article: Joana Foglia