La Commission européenne vient de lancer une consultation publique ouverte dans le but de recueillir l’opinion des citoyens et des parties prenantes sur la mise en œuvre du principe du “pollueur-payeur” au sein de l’Union européenne. Une initiative qui vise à évaluer si les politiques européennes et nationales sont suffisantes pour garantir que les pollueurs assument les coûts liés à la prévention, au contrôle et à la réparation de la pollution.

Pollueur Payeur externalités négatives

Le Principe de Pollueur Payeur – PPP – consiste à faire prendre en compte par chaque acteur économique les externalités négatives de son activité, c’est à dire les coûts de prévention, d’évitement, ou de restauration de ces pollutions qui polluent l’environnement, et ont un impact sur la santé humaine, la biodiversité, les écosystèmes et le climat (pollutions de l’eau, de l’air, des sols, les déchets et gaz à effet de serre).

Dans l’UE, près de 3 millions de sites sont potentiellement contaminés, principalement par l’activité industrielle ainsi que par le traitement et l’élimination des déchets. Six masses d’eau de surface sur dix, comme des lacs et des rivières, ne sont pas en bon état chimique et écologique. La pollution atmosphérique, risque sanitaire majeur en Europe, est également nocive pour la végétation et les écosystèmes. En bout de chaîne, la facture pour les citoyens de l’UE est sans recours. Le principe du pollueur-payeur tient le pollueur pour responsable de la pollution et des dommages environnementaux causés par ses activités. Ce n’est plus au contribuable de prendre en charge les coûts associés à cette pollution.

Le commissaire en charge de l’environnement, des océans et de la pêche, Virginijus Sinkevičius, a souligné l’importance de ce principe de pollueur payeur.

 “Le principe du pollueur-payeur est juste et simple : il exige que les pollueurs supportent le coût de la pollution qu’ils causent. L’application correcte de ce principe incite à éviter de porter atteinte à l’environnement et rend les pollueurs responsables du nettoyage. Lorsqu’il n’est pas correctement appliqué, la facture des dommages environnementaux causés par les pollueurs finit trop souvent par être payée par les citoyens et pèse lourdement sur les fonds publics. Nous invitons chacun et chacune à apporter des éléments d’information sur la manière d’améliorer le fonctionnement de ce principe dans l’intérêt de tous.”

Virginijus Sinkevičius, COMMISSAIRE Environnement, Océans et Pêches

Pollueur Payeur externalités négatives

Cette consultation va porter sur divers aspects tels que :

  • l’utilisation d’instruments basés sur le marché par l’Union européenne et les États membres,
  • le paiement indirect des pollueurs par le biais de subventions préjudiciables à l’environnement,
  • la non application du PPP dans le contexte des fonds de l’UE,
  • la manière dont les responsabilités environnementales sont traitées
  • l’utilisation de la tarification dans les politiques environnementales

La décision de lancer cette consultation publique fait suite à une recommandation formulée dans le rapport de la Cour des comptes européenne qui a conclu que le principe du “pollueur-payeur” était appliqué de manière variable dans les politiques environnementales de l’Union européenne, avec une couverture et une mise en œuvre incomplètes. La directive sur les émissions industrielles encadre les installations les plus polluantes, mais la plupart des États membres ne tiennent toujours pas les industriels pour responsables des dommages environnementaux qu’ils causent si leurs émissions restent sous les limites autorisées. La directive n’exige pas non plus des industriels qu’ils prennent en charge les coûts liés à l’impact de la pollution résiduelle, qui se chiffrent en centaines de milliards d’euros.

Les pollueurs ne supportent pas non plus l’intégralité des coûts de la pollution de l’eau. Dans l’UE, les ménages sont généralement ceux qui paient le plus, alors qu’ils ne consomment que 10% de l’eau. Le principe du pollueur-payeur reste difficile à appliquer à la pollution provenant de sources diffuses, et plus particulièrement de l’agriculture. Bien souvent, les sites ont été contaminés il y a si longtemps que le pollueur n’existe plus, ne peut pas être identifié ou ne peut pas être tenu pour responsable. Cette pollution «orpheline» est l’une des raisons pour lesquelles l’UE a dû financer des projets de dépollution qui auraient dû être à la charge des pollueurs. Pire encore, des fonds publics européens ont été utilisés en violation du principe du pollueur-payeur, notamment lorsque les autorités des États membres n’ont pas mis en œuvre la législation environnementale et contraint le pollueur à payer la note.

Pollueur Payeur externalités négatives

Que cela implique-t-il pour les investisseurs ?

Dans une logique de création de valeur les entreprises qui internalisent les externalités négatives, craignent de devenir moins attractives pour les investisseurs qu’une entreprise dans le même secteur qui n’intègrerait pas ces externalités. Outre le fait qu’une entreprise dont le business model durable pourrait également intégrer et valoriser ses externalités positives,  il est quasi impossible d’estimer le coût de certaines pertes en capital naturel résultant de l’activité d’une entreprise.

Or pour les investisseurs, ne pas pouvoir pleinement prendre en compte les externalités négatives est un risque de survalorisation des actifs et de sous-estimation du rendement de l’investissement.

On ne peut donc qu’encourager à une règlementation au niveau européen, et inciter les investisseurs institutionnels à s’engager activement notamment lors des AG, pour réduire les externalités négatives. 

« Pour reprendre les choses à leur base, il faut rappeler que les entreprises ne font pas que des profits et ne font pas qu’employer de la main-d’œuvre, elles génèrent également des externalités à la fois positives et négatives qui sont communément appelées des performances extra-financières. Or, celles-ci devraient être prises en compte du point de vue de l’intérêt général dans les problématiques de valorisation des actifs, d’allocations de portefeuilles et d’investissements réels dans l’économie. Une des difficultés majeures de nos économies, depuis deux siècles, est l’allocation efficace du capital dans l’économie. Jusqu’ici, les marchés financiers ont été la meilleure réponse à cette question, mais elle n’est pas parfaite en termes d’efficacité et de compatibilité avec l’intérêt général. »

Christian Gollier, directeur de la Toulouse School of Economics (TSE) dans un interview par l’Institut Louis Bachelier

Cette consultation de la Commission Européenne concerne tous les acteurs, qu’il s’agisse des citoyens, des entreprises ou des organisations, et il est important que tous y participent et partagent leurs points de vue sur la manière d’améliorer l’application du principe du “pollueur-payeur”. En garantissant que les responsables de la pollution supportent les coûts qui en découlent, producteurs, investisseurs, consommateurs pourrons encourager une utilisation plus durable des ressources, réduire l’impact sur l’environnement et assurer la préservation des écosystèmes pour les générations futures.

Les résultats de cette consultation seront utilisés pour préparer une évaluation complète des politiques, également connue sous le nom de “fitness check”, qui sera réalisée en 2024. Cette évaluation contribuera à formuler des recommandations sur la meilleure façon de mettre en œuvre ce principe dans les politiques environnementales, tel que prévu dans le plan d’action “Zéro pollution” de la Commission.

Pollueur Payeur externalités négatives

Article: Joana Foglia – Source: CE, ILB, TSE