Une collaboration pilotée par la Nasa et l’université de Copenhague, impliquant INRAE, le CEA et le CNRS, a mis au point une méthode de suivi des arbres en zones sèches de l’Afrique Subsaharienne, combinant images satellitaires de très haute résolution et intelligence artificielle.
IA stock carbone
En plus de stocker du carbone, les arbres en zones sèches fournissent de nombreux services écosystémiques indispensables à l’environnement et aux populations locales. Très dispersés, leur étude à grande échelle est compliquée.
La densité et les stocks de carbone des arbres en zone-aride est sous-estimée.
Les stocks de carbone des arbres individuels varient entre 63 kg en moyenne par arbre dans la zone aride à 98 kg dans la zone subhumide (zone dotée d’un climat intermédiaire entre semi-aride et humide). Le carbone de la totalité des arbres identifiés dans ces zones d’Afrique subsaharienne est donc de 0,84 milliard de tonnes. Pour comparaison, les stocks de la forêt en France métropolitaine représentent 2,4 milliards de tonnes. Si ce chiffre peut paraître faible, les comparaisons avec des simulations numériques de modèles de végétation ont révélé que la densité et les stocks de carbone des arbres isolés en zone aride sont sous-estimés par la plupart des modèles utilisés dans les simulations du climat.
« Cette étude est pionnière dans un type d’approche qui va révolutionner le suivi des arbres et des forêts à l’échelle de notre planète : à court terme il va devenir possible de cartographier les arbres de la planète depuis le centre de l’Amazonie jusqu’à nos cours d’école. Beaucoup de champs d’applications vont devenir beaucoup plus efficaces et précis : suivi des stocks de carbone, biodiversité, monitoring des coupes, protection vis-à-vis des dégradations forestières illégales, etc., en quasi temps réel. »
Jean-Pierre Wigneron, chercheur INRAE de l’unité Interactions sol plantes atmosphère et coauteur de l’étude
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Une méthodologie innovante combinant imagerie à haute résolution spatiale et intelligence artificielle
Afin de pouvoir analyser chaque arbre individuellement, les scientifiques ont donc dû développer une méthode combinant intelligence artificielle (IA) associée au calcul haute performance, imagerie à haute résolution spatiale (50 cm) et données de terrain. Ces données de terrain ont permis de calibrer les paramètres de structure des arbres (hauteur, surface de la couronne, biomasse, etc.). Les chercheurs ont ainsi analysé plus de 300 000 images satellites d’Afrique subsaharienne (région semi-aride au nord de l’équateur) et identifié plus de 9,9 milliards d’arbres. Ils ont alors attribué, pour chaque arbre, le stock de carbone associé à chacune de ses composantes (bois, feuilles, racines), ainsi que sa densité, sa couverture, sa taille et sa masse.
« La haute résolution spatiale (50 cm) combinée à l’IA et aux mesures sur le terrain, utilisée dans cette étude, est la clé de l’amélioration des inventaires d’arbres dans les zones sèches. La disponibilité sans cesse croissante d’images satellitaires à très haute résolution rendra possible l’évaluation des réservoirs de carbone et de leur dynamique au niveau de chaque arbre à une échelle globale. »
Pierre Hiernaux, chercheur français travaillant pour la Nasa
IA stock carbone
La base de données de ces près de 10 milliards d’arbres est désormais mise à disposition publiquement. Elle comprend pour chaque arbre la masse de bois, la masse de feuillage, la masse de racines et le stock de carbone. Ces informations sont essentielles pour les scientifiques, les décideurs, les agronomes et forestiers travaillant à la restauration des terres arides, mais aussi pour les agriculteurs, qui peuvent utiliser ces données pour estimer et valoriser les stocks de carbone des arbres des terres qu’ils exploitent, sans compter les sociétés d’émission de crédits carbone qui pourront accéder à une analyse précise des stocks disponibles et de leur évolution.
En particulier, l’inclusion de ces données dans les modèles dynamiques de végétation pourrait améliorer les résultats des modélisations futures, conduisant à des prévisions plus réalistes de l’impact du changement climatique sur les zones sèches.
L’étape suivante consistera à ajouter une dimension temporelle à la cartographie, qui pourrait être possible au moins à un pas de temps décennal à l’échelle de l’arbre. Cela facilitera la prise en compte de l’impact des sécheresses, de la restauration et des politiques à différentes échelles, jusqu’au niveau des arbres individuels.
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Source: INRAE