Selon un rapport publié par l’ONG ShareAction, les plus grands gestionnaires d’actifs au monde n’en font toujours pas assez pour faire face aux crises sociales et environnementales que nous traversons.
Le rapport “Point of No Returns 2023” classe les 77 plus grands gestionnaires d’actifs au monde, qui représentent plus de 77 billions de dollars d’actifs sous gestion, sous forme d’une grille allant du meilleur scoring “AAA” au pire “E”. L’ONG constate dans son rapport que la grande majorité n’a toujours pas contribué à la protection du climat, de la biodiversité et des personnes.
Les deux tiers des gestionnaires interrogés – gérant 60 billions de dollars d’actifs – ont obtenu une note CCC ou pire, indiquant de graves lacunes dans leurs politiques et pratiques d’investissement responsable dans au moins un des piliers ESG. Les quatre plus grands gestionnaires d’actifs au monde – Blackrock, Vanguard, Fidelity Investments et State Street Global Advisors – ont tous obtenu de mauvais résultats, recevant des notes allant de D à E, ce qui signifie que les gestionnaires les plus influents font partie des pires de leur catégorie.
“L’impact des décisions prises par ces gestionnaires d’actifs ne peut être sous-estimé. En tant que plus gros gestionnaires au monde et investisseurs dans les plus grandes entreprises tous secteurs confondus, leurs décisions ont un impact considérable au niveau mondial. Ils devraient donc tenir compte de leurs effets sur notre climat, les écosystèmes qui permettent notre survie et notre bien-être.”
Claudia Gray, responsable de la recherche sur le secteur financier chez ShareAction
Point of No Returns 2023
Toutefois, le rapport met aussi en évidence certaines belles réalisations et progrès notables menés par certains acteurs, surtout européens. Santander Asset Management et JP Morgan Asset Management, ont par exemple grimpé en flèche dans le classement depuis le dernier rapport de ShareAction en 2020, en partie grâce à l’adoption de cadres et d’outils de gestion de leurs investissements en faveur du climat. Les politiques solides des quatre gestionnaires d’actifs les mieux classés – Robeco, BNP Paribas, Aviva et Legal & General – montrent que l’investissement peut être à la fois responsable et rentable, même pour les gestionnaires de taille considérable.
Entre 2020 et 2023, les gestionnaires d’actifs analysés ont progressé sur les sujets relatifs à l’investissement responsable en termes d’engagement actionnarial et de gouvernance. Les deux-tiers des gérants indiquent ainsi que les membres de leur conseil d’administration supervisent les sujets ISR contre 21% en 2020. En termes de politiques et de pratiques d’engagement actionnarial, 82% des gérants disent avoir une politique de vote sur le climat et 81% sur le social, contre 56% et 53% respectivement en 2020.
Le rapport est le dernier d’une série de l’ONG, qui classe désormais 77 des plus grands gestionnaires d’actifs au monde en 3 zones géographiques (Europe, États-Unis et Asie-Pacifique) sur la question de savoir si leurs politiques d’investissement répondent aux critères responsables notamment en matière de climat, de biodiversité, de social, de gouvernance et de règlementation. Le rapport révèle un énorme clivage géographique entre les gestionnaires d’actifs. Les meilleurs d’Europe ont largement surperformé leurs rivaux régionaux aux États-Unis et en Asie-Pacifique, occupant toutes les places du top 10 du classement. Les managers américains ont reçu les pires notes trois fois plus souvent que leurs rivaux européens.
Cela dit, même les gestionnaires d’actifs les plus performants de l’enquête ont un angle mort en matière de biodiversité, omettant souvent de prendre en compte la protection d’habitats importants tels que les forêts, les rivières et les océans lors de la gestion de leurs investissements. Seulement 10% et 5% des 77 gérants analysés ont respectivement une politique spécifique dédiée à la biodiversité et au social. Et on ne retrouve la thématique de la biodiversité que dans 38% des politiques de votes des gérants. Le rapport souligne donc qu’il est essentiel d’adresser les questions de l’extinction globale des espèces et de la perte en capital naturel à tous les niveaux que ce soit dans les politiques d’investissement ou dans les pratiques d’engagement actionnarial.
Le rapport énonce une série de recommandations pour les gestionnaires d’actifs, leur demandant d’identifier, de gérer et de rendre compte des impacts réels des décisions d’investissement sur les questions de durabilité, notamment le climat, la biodiversité et les questions sociales. ShareAction exhorte également les propriétaires d’actifs à user de leur influence pour obliger les gestionnaires d’actifs à rendre des comptes, et les décideurs politiques à introduire une réglementation qui améliore les normes minimales dans l’ensemble du secteur.
Le rapport est disponible sur ce lien https://api.shareaction.org/resources/reports/Point-of-No-Returns-2023-General-Findings_2023-03-01-115320_htgw.pdf
Point of No Returns 2023
Source: Share Action