Une table ronde organisée à l’initiative du secteur privé sous l’égide de «Sustainability Rounds» s’est tenue le 02 Mai à l’Organisation Mondiale du Commerce – OMC – à laquelle se sont joints des représentants de la Principauté de Monaco et une trentaine d’acteurs du secteur privé, dans le but de renforcer le dialogue, la coopération et la compréhension du rôle du privé et du public dans la lutte contre la pollution plastique.

Le rôle de l’OMC dans la lutte contre la pollution plastique

Le monde a connu une série d’initiatives gouvernementales contre la pollution plastique aux niveaux national, régional et international. Notamment, l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (UNEA) travaille à l’adoption d’un instrument mondial juridiquement contraignant d’ici 2024, tandis que l’Union européenne (UE) a lancé plusieurs initiatives, dont la stratégie de l’UE sur les plastiques.

Ces mesures couvrent un large éventail de domaines tout au long du cycle de vie des plastiques, notamment la réduction de la production et de la consommation, l’élimination des plastiques nuisibles et inutiles et des produits chimiques utilisés dans les plastiques, l’élimination sûre et respectueuse de l’environnement des déchets, l’identification d’alternatives et de substituts durables, les systèmes de remplissage et de réutilisation, les réglementations et les normes pour protéger la santé humaine et l’environnement.

Cependant, l’aspect commercial de ces initiatives n’a pas été suffisamment pris en compte. Bien que le commerce contribue dans une certaine mesure à la pollution plastique, la multiplicité des mesures dans les juridictions présente un risque de fragmentation qui peut entraver l’accès au marché et restreindre le commerce. 

Pour remédier à cela, 76 membres de l’OMC ont lancé le Dialogue sur la pollution plastique et le commerce de plastiques respectueux de l’environnement (DPP) en novembre 2020, ouvert à tous les membres de l’OMC. Alors que les États sont actuellement engagés dans les négociations du traité sur le plastique depuis 2022, il est essentiel d’explorer comment l’OMC pourrait contribuer aux efforts visant à réduire la pollution plastique et à promouvoir la transition vers un commerce de plastiques plus respectueux de l’environnement, en complément des discussions dans le Comité du commerce et de l’environnement (CTE) de l’OMC et d’autres fora. Ces membres ont souligné l’importance d’engager des parties prenantes pertinentes, notamment des organisations et institutions internationales, le secteur privé et la société civile.

Malgré ces efforts, il reste un manque général de compréhension commune des mesures de durabilité, et il y a un besoin accru d’information et de participation des acteurs de l’industrie et d’autres parties prenantes. 

Pour répondre à ces besoins, une table ronde a été organisée à l’initiative du secteur privé sous l’égide de « Sustainability Rounds », une association créée et dirigée par Me Virginie Campanella (cabinet VTA Tassin, avocat en droit de la mer et droit de l’environnement), et Me Stéphanie Noël (cabinet S. Noël Law Office, avocat en droit du commerce international et de l’OMC). Elle visait à renforcer d’une part le dialogue et la coopération public-privé sur des questions complexes de durabilité et d’autre part la compréhension et le développement de solutions liées aux problématiques juridiques et politiques soulevées par ces questions complexes de durabilité.

OMC pollution plastique

“Traditionnellement l’OMC ne s’occupait pas de questions environnementales. L’environnement est reconnu dans nos accords, mais essentiellement comme une exception, légitime, à la règle normale des échanges qui est le principe de non-discrimination. Or aujourd’hui la transformation environnementale affecte de plus en plus fortement le commerce international.

— D’une part, la prolifération de nouvelles normes environnementales privées et publiques fait apparaitre de nouvelles sortes d’obstacles aux échanges, augmente les couts de transaction — par exemple les couts liés à la vérification environnementale des produits, à la certification- impacte le fonctionnement des chaines de valeur. S’il n’y a pas de coopération internationale pour discuter ces enjeux il y aura des conséquences négatives pour le commerce, le développement et l’environnement lui-même.

— D’autre part, le commerce international est une force formidable, qui peut accélérer la réalisation des objectifs environnementaux. Si une technologie verte est inventée dans un pays, par exemple une alternative au plastique, ou une technologie de recyclage, le commerce permet de la faire circuler très vite vers d’autres pays. Et c’est cela que les politiques commerciales doivent encourager.”

Jean-Marie Paugam, Directeur général adjoint OMC

Cette table ronde, co-sponsorisée par la Gambie et la France s’est concentrée sur le thème de la réduction de l’utilisation des plastiques nocifs et des produits en plastique, ainsi que sur l’utilisation et la commercialisation des substituts aux plastiques, notamment les bioplastiques.

En réunissant des représentants de l’industrie africaine, chinoise et européenne, des acteurs monégasques et des organisations internationales, cette table ronde a été la première à mettre en avant les problématiques particulières rencontrées par le secteur de l’innovation africain et chinois et le secteur européen dans la chaine de valeur plastique, en amont et en aval (notamment les start-ups et PME).

Divers secteurs ont été représentés, notamment celui de l’énergie, de la cosmétique, du textile, du recyclage, ainsi que le secteur financier et la philanthropie. La Fondation Albert II de Monaco et le programme Plastic Beyond Med étaient présents, ainsi que de nombreux acteurs des océans, notamment IOCARIBE (programme COI UNESCO dans les Caraïbes).

Les participants ont par ailleurs abordé les problématiques soulevées par les enjeux de cohérence et collaboration entre les initiatives locales, régionales et internationales, les feuilles de route et les efforts consacrés à la lutte contre la pollution plastique, le rôle des standards internationaux existants et à développer, ainsi que les problématiques d’accompagnement et de soutien à l’innovation. Le cadre international juridique global a été par ailleurs présenté, en prenant dûment en considération le droit du commerce international, le droit de l’environnement et le droit de la mer ainsi que les problématiques croisées soulevées par ces règles internationales et leurs mises en œuvre.

Me Tassin Campanella et Me Noël, à l’initiative de cet évènement, ont souligné à de nombreuses reprises lors des échanges l’importance de réunir de manière inclusive, transparente et ouverte l’ensemble des acteurs de la chaine de valeur, y compris ceux engagés dans les solutions de remplacement et de transition au plastique, afin d’informer les Etats et les organisations internationales des enjeux concrets et pratiques rencontrés par ces derniers.

“A l’OMC ce sont les gouvernements qui négocient mais ce sont les entreprises qui réalisent les investissements. Il n’y aura pas de transformation environnementale sans ces investissements.”

Jean-Marie Paugam, Directeur général adjoint OMC

L’enjeu est immense. A l’heure des négociations actuelles sur le traité plastique, les défis et barrières juridiques et financières rencontrés par les acteurs, les considérations techniques ainsi que la complexité de la chaine de valeur restent encore mal appréhendées, ce qui risque d‘affecter la pertinence des règles qui seront développées, et leur capacité à être mises effectivement en œuvre.

Ainsi, il importe non seulement soutenir cette lutte contre la pollution plastique, mais aussi et surtout préparer l’avenir. Cela nécessite de s’assurer que le plastique recyclé soit utilisé d’une manière à garantir la sécurité environnementale et humaine, et que les substituts autorisés ne seront pas plus nuisibles et nocifs que le plastique lui-même. Pour parvenir à ces objectifs et ainsi soutenir la transition, un dialogue soulevant les problématiques concrètes rencontrées par le secteur et mettant en lumière les solutions qu’il propose est indispensable.

OMC pollution plastique

Déroulement des discussions : 

Suite aux propos introductifs des deux co-sponsors et de Me Tassin Campanella et Me Noël, le Directeur Général Adjoint, Jean-Marie Paugam, en charge de l’environnement à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a souligné l’importance de la question environnementale pour l’économie, en indiquant que la demande des consommateurs pour des produits durables est croissante, ainsi que les attentes des citoyens envers leurs gouvernements pour des politiques environnementales fortes. Il a ajouté que le marché se transforme rapidement pour devenir plus soutenable et que l’avenir du commerce est vert.

Le Directeur Général Adjoint a également évoqué le rôle de l’OMC dans cette transformation environnementale. Alors que l’OMC n’a pas traditionnellement traité des questions environnementales, il a souligné que la prolifération de nouvelles normes environnementales publiques et privées affectait de plus en plus le commerce international. Ces nouvelles normes peuvent augmenter les coûts de transaction et affecter le fonctionnement des chaînes de valeur, ce qui peut avoir des conséquences négatives pour le commerce, le développement et l’environnement lui-même. 

Cependant, le commerce international peut également accélérer la réalisation des objectifs environnementaux en permettant la diffusion rapide des technologies vertes dans d’autres pays et rappelé que le plastique est une préoccupation commune à tous les pays, un enjeu global qui nécessite une coopération internationale pour être efficace. 

Les politiques destinées à lutter contre cette pollution sont légitimes, mais sans coordination internationale, elles peuvent donc poser des problèmes et devenir peu efficaces. 

Pour lutter contre la pollution plastique, le Directeur Général Adjoint a proposé d’harmoniser les définitions internationales des sacs en plastique à usage unique pour créer un marché plus important pour les alternatives et ainsi encourager les investissements. Il a également évoqué le travail de l’OMC dans ce domaine, qui a commencé il y a quatre ou cinq ans et qui vise à trouver des solutions pour réduire la pollution plastique tout en préservant le commerce international. 

Enfin, le Directeur Général Adjoint a salué la participation des entreprises à l’événement et a souligné que leur engagement était essentiel pour réaliser la transition environnementale. Il a rappelé que si ce sont les gouvernements qui négocient à l’OMC, ce sont les entreprises qui réalisent les investissements nécessaires à la transformation environnementale. 

Soulignant l’importance de la transition environnementale pour l’économie et le rôle de l’OMC dans cette transformation, il a appelé à une coopération internationale pour lutter contre la pollution plastique et encourager les investissements dans des technologies vertes, tout en préservant le commerce international.

S’en est suivi une intervention du Directeur Général Adjoint en charge du développement, Xiangchen Zang, ainsi qu’une intervention de l’Equateur pour souligner l’importance des enjeux plastique au sein du commerce international, et notamment pour les pays en développement. Les experts internationaux et représentants des divers secteurs se sont ensuite exprimés et discutés pendant quatre heures avec le secrétariat de l’Organisation Mondiale du Commerce et les délégués étatiques.

Le discours du Directeur Adjoint Jean Marie Paulgam est disponible ici.

OMC pollution plastique

Article: Joana Foglia, Stéphanie Noël, Virginie Tassin Campanella