Alors que la souveraineté numérique est un enjeux majeur pour les états qui tendent d’assurer la protection des données de leurs citoyens, la Commission met un coup de pied dans la fourmilière en proposant de nouvelles règles en matière de gouvernance des données pour permettre une meilleure exploitation du potentiel d’un volume de données en augmentation constante dans un cadre européen digne de confiance.

Craignant peut-être l’hégémonie des géants technologiques américains et chinois, le choix de l’Europe pour y faire face reste en effet très mince. Ne possédant aucune puissance numérique européenne à ce jour, elle devra, soit accepter de devenir une « colonie numérique » de puissances étrangères (pour reprendre l’expression de la sénatrice Catherine Morin-Desailly, soit proposer un modèle alternatif aux pratiques de traitement des données des principales plateformes technologiques.

La quantité de données générées par les organismes publics, les entreprises et les citoyens ne cesse de croître et devrait être multipliée par cinq entre 2018 et 2025. Ces nouvelles règles tentent d’exploiter ces données et d’ouvrir la voie à des espaces de données européens sectoriels dont pourront bénéficier la société, les citoyens et les entreprises.

La stratégie pour les données présentée par la Commission en février dernier proposait neuf espaces de données, allant de l’industrie à l’énergie, en passant par la santé et le pacte vert pour l’Europe. Ils contribueront par exemple à la transition écologique en améliorant la gestion de la consommation d’énergie, feront de la fourniture de médicaments personnalisés une réalité et faciliteront l’accès aux services publics.

«Nous voulons donner aux entreprises et aux citoyens les outils qui leur permettront de conserver le contrôle des données, et instaurer la confiance en veillant à ce que le traitement des données soit conforme aux valeurs et aux droits fondamentaux européens.»

Mme Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive pour une Europe adaptée à l’ère du numérique

«Nous définissons aujourd’hui une approche véritablement européenne du partage des données. Notre nouveau règlement permettra d’instaurer la confiance et facilitera la circulation des données entre les secteurs d’activité et entre les États membres, tout en plaçant aux commandes tous ceux qui génèrent des données.

Compte tenu du rôle toujours plus important que jouent les données industrielles dans notre économie, l’Europe a besoin d’un marché unique des données ouvert mais souverain. Notre réglementation, associée aux investissements adéquats et à des infrastructures clés, aidera l’Europe à se hisser au premier rang mondial dans le domaine des données».

M. Thierry Breton, commissaire au marché intérieur

Dans le droit fil de l’annonce faite dans la stratégie sur les données, le règlement jettera les bases d’une nouvelle gouvernance européenne des données qui soit conforme aux valeurs et aux principes de l’UE, tels que la protection des données à caractère personnel (RGPD), la protection des consommateurs et les règles de concurrence.

Il propose un modèle alternatif aux pratiques de traitement des données des grandes plateformes technologiques, qui peuvent acquérir un pouvoir de marché élevé en raison de leurs modèles d’entreprise impliquant le contrôle de grandes quantités de données.

Cette nouvelle approche propose un modèle fondé sur la neutralité et la transparence des intermédiaires de données, qui sont des organisateurs de partage ou de mise en commun de données, afin d’accroître la confiance.

La proposition présentée hier est la première action concrète dans le cadre de la stratégie européenne sur les données, qui vise à libérer le potentiel économique et social des données, et des technologies telles que l’intelligence artificielle, tout en respectant les règles et les valeurs de l’UE (protection des données, propriété intellectuelle, confidentialité)

La stratégie tirera parti de la dimension du marché unique en tant qu’espace où les données peuvent circuler au sein de l’UE et entre les secteurs d’activité, conformément à des règles claires, pratiques et équitables en matière d’accès et de réutilisation. La proposition présentée soutient également l’élargissement du partage international des données, dans des conditions qui garantissent le respect de l’intérêt public européen et des intérêts légitimes des fournisseurs de données.

Des propositions plus spécifiques sur les espaces de données devraient suivre en 2021, complétées par un acte législatif sur les données visant à encourager le partage de données entre les entreprises et entre ces dernières et les pouvoirs publics.

Article: Joana Foglia – Soucre – Sénat, CE